L’ORIGINE DES NZIMA

  1. DE  L’ORIGINE DES   NZIMA

L’origine des Nzima est très ancienne. Certaines  traditions orales rapportent que les Nzima viennent d’Agnuan Agnuan, une zone sablonneuse qui s’apparenterait au désert du nord de l’Afrique. D’autres situent ces origines à Sarem, un espace toujours situé dans le nord de l’Afrique avant de fonder  des royaumes comme Takyman,  Bono, Adantsi, etc.

Issu  de la contraction des termes  adani  (charité, faire de  la charité, s’occuper d’autrui) et ahonlin (le cœur), les Adahonlin sont perçus dans la société Nzima comme des éducateurs. Ils ont pour ancêtres Agyei Ahonle et Kogyakè. Leurs symboles sont les graines de palmes, le perroquet. Ce sont également d’excellents agriculteurs. D’où leur surnom d’EYASSOVOMA.

A l’origine, les Nzima viennent de l’Egypte. Ayant quitté au VIème siècle  avant Jésus-Christ, l’Egypte nubienne du royaume  de Méroé pendant le règne de l’empereur abyssin Ezane, ils progressent vers le soleil et s’installent  dans l’empire de Ghana qu’ils abandonnent en l’an 1076, au XI ème siècle devant l’invasion des almoravides.

Ils se fixent  près des montagnes de Kong (Côte d’Ivoire), ensuite à Takima et plus tard dans les vallées des rivières Ofin et KPRA dans l’Ashanti. Après avoir habité Abuadi, ils créèrent  les villes  d’Adoabu, Bégniny (dans le Ghana actuel), Assinie et Grand-Bassam.

Les querelles fratricides ont conduit des membres de ce peuple  à se répandre sur la côte du Golfe de Guinée et à  s’installer à l’intérieur des terres. Jadis agriculteurs et chasseurs, ce peuple s’est adapté à son nouvel environnement en pratiquant d’autres activités comme la pêche, le commerce, le travail de l’or et des métaux précieux, etc.

En Côte d’Ivoire, les Nzima sont classés en trois groupes. D’abord, les Adouvoulais Sohié qui règnent dans la zone de Tiapoum ; ensuite les Essouma qui se trouvent essentiellement dans la zone d’Assinie ; enfin, les Kotoko qui dirigent les autres territoires où vivent les Nzima et dont le siège principal est Grand-Bassam. L’épithète kotoko est une référence à l’animal totémique de ce groupe : le porc-épic.

    L’histoire coloniale montre avec détails la place centrale que ce peuple a occupée. Son impact sur l’essor de ce pays ne souffre d’aucune contestation. Les témoignages des explorateurs portugais, Hollandais, Anglais et  Français sont assez édifiants à ce sujet. 

Quelle que soit leur espace géographique, les Nzima kotoko sont organisés  en sept matriclans ou familles qu’il convient de présenter.

  • DE L’ORGANISATION SOCIO POLITIQUE DES NZIMA KOTOKO

Les Nzima kotoko, à l’image des peuples de culture et civilisation kwa, ont à la tête de leur société un roi. Le  trône de Grand-Bassam est détenu par la famille Alonhomba, dont est issu Sa Majesté AWOULAE TANOE AMON, Roi des Nzima Kotoko de Côte d’Ivoire. Il importe de souligner que Sa MAJESTE AWOULAE TANOE AMON est le 25ème souverain des Nzima Kotoko, le troisième roi de la IIIème dynastie des Alohomba. 

Peuple hospitalier, les Nzima Kotoko ont également une organisation sociale  basée sur  sept familles (aboussouan/ pl. mmusouan) ayant chacune ses attributs et ses symboles totémiques respectifs.

 Chaque « abusua » comprend en son sein, un clan endogamique (suakunlun abusua) et un clan exogamique (assalo abusua) dispose d’un siège sacré ou trône (abusua bia). Les sept aboussouan ou grandes familles sont :

  1. Les Adahonlin
  • Les Alonwonba

 Le nom Alonwoba provient de l’interrogation «  elonin tèba o ? » (Y a-t-il encore des arrivants ?) qui apparait comme une allusion à leur origine mythologique. En effet, les membres de cette famille clament être descendus du ciel pour atterrir  sur les palmes d’un raphia. Également agriculteurs, ils sont aussi  reconnus comme d’infatigables voyageurs. Ils se distinguent par une  des dispositions particulières  et utiles  visant à relativiser. Leurs symboles principaux sont le raphia (vin de raphia ou Doka) et la calebasse.

  • Les Azanwoulé

Selon la tradition orale, le nom azanwulé provient  de « sanwulé », un instrument de musique semblable à une flûte, pour certains, et à un harmonica, pour d’autres. Cet instrument aurait été remis par un esprit de la forêt à la reine- mère Bomokpolé au cours d’une migration. La maîtrise et la passion avec  laquelle ils jouaient de cet instrument leur a valu le nom  d’Azanwulé. Descendants de Asokone Ereyi, ils seraient partis d’un endroit désertique nommé « Agnuan Agnuan » afin d’échapper à des guerres fratricides.

Le symbole des Azanwoulé est l’igname. Ce tubercule coupé en deux représente la rupture des liens. Intact, il est le symbole de l’unité. Ce tubercule entre dans la préparation des mets sacrificiels en signe de resserrement des liens. Les femmes de cette famille passent pour des élégiaques, des spécialistes en jérémiades (ɛzunlɛ menlɩ). Les Azanwoulé en font un grand moyen de soutien dans toutes les adversités et dans les grands malheurs. Ils maîtrisent parfaitement l’art musical.  La flûte traditionnelle «  sanwoulé » appartient à leur arsenal de musique. Ils font souvent allusion au coq qui, au cours de leur départ de Moho, leur cité d’origine sous la conduite des frères Aleyi Kpanyinlin et Aleyi Ekyi, fut une source de grande douleur. Son chant matinal signala leur présence à leurs ennemis. Par l’iganame, les Azanwoulé expriment une fidélité sans fin, un attachement indéfectible, quelle que soit la situation.

  • Les Ezohilé

Le nom Ezohilé proviendrait, selon les membres de ce clan, de la contraction de l’expression « ye so ya hilé » qui se traduit par «  nous allons germer aux yeux du monde ».  Une autre version proposée par Louis Kouamé Abrima fait correspondre ce nom à l’expression « Ezo », nom d’un ancêtre et « hilé » qui guérit.

Les Ezohilé ont pour symboles le corbeau, le riz et l’eau. Ils avaient pour chefs Ekoa Twenle Boa et Elewu Ekenle Mulié. Cette famille se distingue par  sa coqueterie (abɔfoma). Ezohilé signifie « action de se parer, de s’admirer ». Ils se comportent comme des rois en matière d’élégance et de coquetterie. Leurs chefs sont censés se déplacer à dos d’éléphants et marchent  sur un tapis de peaux de mouton blanc.

  • Les Mafolɛ

Le nom Mafolɛ que porte ce clan provient du terme nzema « manvolɛ » qui signifie « chance ». Les Mafolɛ sont les descendants de Koney Nyavolɛ, d’Edoukou et d’Asandé Avolɛ. Les anciens  de ce clan rapportent qu’au cours d’une grande famine qui a sécoué les Nzema, une branche  de ce peuple décida de partir vers de nouveaux horizons  à la recherche  de terres fertiles pour réaliser des cultures vivrières. Au terme d’une longue marche, ce peuple arriva dans une grande plaine dont la texture du sol présentait tous les signes d’une grande fertilité. Ce constat fait, le groupe décida de s’y installer pour faire la culture de vivriers afin d’échapper à la mort à laquelle il était exposé, du fait de la famine.

Dans un élan d’espoir, tous se mirent à planter et à semer tout ce que la terre pourrait restituer sous forme de nourriture. Quelques temps après les semailles, le groupe retourna dans la plaine pour s’assurer de l’évolution de son œuvre. C’est alors qu’il découvrit, à la place des vivriers qu’ils s’attendaient à récolter, de l’or et des perles en or. Devant cette merveille, l’un des membres du clan s’exclama : « jɛ nwo lɩ ma̰volɛ ! » qui signifie « que nous sommes chanceux ! » C’est à la suite de cette aventure que le clan  adopta le nom Mafolɛ qui est une déformation de « manvolɛ ».  Les symboles des Mafolɛ sont l’or et l’argent. Cet or par lequel cette famille se distingue est évoqué par une deuxième version.

La deuxième  version met en évidence le fait que  le reflet dans l’eau de la rivière Tanoé, des fleurs jaunes or du pterocarpus santalionoides (apéhiléapé), que les Mafolɛ ont pris pour de l’or tapissant le fond de l’eau. Pressés de recueillir cet or, les membres de la famille plongèrent dans la rivière et y laissèrent leur vie. Une femme enceinte qui n’a pu faire comme les autres et s’étant rendu compte qu’il s’agissait du reflet des fleurs et non de l’or, s’exclama : « si je n’avais pas réfléchi, je serais moi aussi morte ». Depuis ce tragique évènement, les Mafolɛ se distinguent par l’esprit de convenance, d’opportunité et de pertinence. Ils demeurent d’habiles orpailleurs (ezukoa kpɔ̰dɛvoma).

  • Les Ndjua ou Ahua 

Le nom Ndjua signifie « chiens » en Nzima. A l’origine, ce clan formait avec les Ezohilé le groupe Mahilé. Le récit de leur origine rapporte qu’ils sont descendus du ciel à l’aide de la corde de l’ancêtre Ahua Ehilé. A leur descente, ils rencontrèrent le chien qui devint leur guide tout au long de leur parcours terrestre. A un moment de leur migration, un froid, d’une extrême intensité, s’abattit sur la terre et les Ndjua, impuissants devant cette intempérie climatique, étaient au bord de l’extinction. Devant cette situation périlleuse, le chien qui les guidait décida de s’en aller dans les profondeurs de la forêt, à la recherche d’une solution pour sauver ses compagnons. Après plusieurs jours d’absence, il revint, aux premières heures d’une journée glaciale,  avec du feu qu’il remit à ses compagnons pour se réchauffer. Il venait ainsi de sauver le groupe de la mort. C’est la raison pour laquelle le clan adopta le nom de cet animal et le prit pour symbole culturel, de même que le feu.

Les membres de cette famille sont la lumière, la clé du monde visible. Ils répandent également autour d’eux la chaleur humaine, l’affection et la fidélité qui sont des valeurs que le comportement du chien exprime dans son rapport avec l’Homme. Aussi se caractérisent-ils par la maîtrise de soi et la sérénité.  Les membres de cette famille aspirent au calme et à la paix sociale. Ils  invitent à dompter le feu et le chien qui sont en chacun de nous. Cette grande valeur qui permet de composer  avec tout le monde est un important élément d’humilité (bɛlɛvoma) qui caractérise les N’djua.

  • Les N’vavilé

Le nom Nvavilé dérive du verbe nzema « nvavi » qui signifie réfléchir. Nvavilé se traduit par ceux qui réfléchissent. Ils ont pour ancêtres Angola Envavi, Ekou Kokoa et Neka Angola. L’histoire de cette famille  se rattache à la mésaventure du clan Mafolɛ, clan duquel ce clan serait issu. En effet, à la recherche d’un environnement propice à leurs différentes activités commerciales et à leur épanouissement, les membres de ce clan entamèrent  une longue migration  à bord d’une grande barque sur une rivière calme et limpide. A mi-chemin de leur parcours, les migrants aperçurent, au fond de l’eau, des objets scintillants qu’ils prirent pour des pépites d’or. Les uns à la suite des autres, ils se jetèrent à l’eau offrant un festin aux caïmans. Une femme enceinte, restée dans l’embarcation, à cause de son état, eut le réflexe de lever la tête vers le ciel et découvrit que ce qui scintillait au fond de l’eau n’était point de l’or mais des reflets dans l’eau des fruits d’un arbre proche du flamboyant, planté au bord de la rivière. Devant l’horreur de la mort de ceux qui avaient plongé, elle s’écria : « Ah ! Man vavi bié a ». Ce qui signifie « si je n’avais pas réfléchi ». C’est à la suite de cette mésaventure que les autres membres du peuple nzema donnaient le nom Nvavilé à ce clan, en référence à « Nvavi ».  

 Le symbole des N’vavilé est le maïs. Ils sont réputés pour avoir découvert l’Abissa ou koundoum. Cette signification prend tout son sens dans la situation de la famille Nvavilé avant et après la découverte de l’abissa. Selon la légende, c’est une femme de ce clan qui aurait découvert l’abissa pendant une période de grande famine. En effet, si le membre n’avait pas eu l’intelligence et de partage pour mettre l’abissa à la disposition du roi et du peuple Nzema, le peuple serait confronté à des perturbations d’ordre social et politique. La critique sociale, fondement démocratique de l’abissa, évite les désordres sociaux. Les Nvavilé sont de grands animateurs de danse (agolekavoma).

C – AUTRES ASPECTS CULTURELS DES NZIMA KOTOKO

  1. L’ABISSA

L’Abissa est perçue comme la tribune adéquate pour la critique sociale. En effet, elle consacre un bilan global d’exercice des pouvoirs et des actes régis  par la constitution et autres lois locales coutumières. Elle procède  des éloges et des critiques verbales, d’une part, et par des allusions  non verbales, d’autre part, faites de travestissements, dans une ambiance ludique et politique. Au cours de cette fête, les barrières sociales entre nobles et captifs, entre gouvernants et gouvernés sont abolis. Les poètes chansonniers font, sur la place consacrée, le bilan des actions des membres de la communauté. 

Ces poètes chansonniers sont investis d’une immunité critique ; ce qui fait qu’ils peuvent tout dire sur la place et dans la décence. En réalité, ils sont les porte- paroles du peuple. Le fait le plus important de cette tribune politico-sociale, est que la critique est toujours orientée vers le désir d’améliorer son attitude sociale et non comme une sanction pour une faute. On le voit, pour ses valeurs sociales et politiques, l’Abissa, danse rituelle de haute intensité, capte  l’énergie  de tout un peuple pour la fondre dans une seule sphère métaphysique. L’Abissa célèbre la vie et exerce un pouvoir spectral très étendu sur la population de Grand-Bassam et ses environs.

  • DES DANSES TRADITIONNELLES ET DE LA FANFARE

Outre l’Abissa, le patrimoine culturel Nzima comprend de nombreuses danses que les Nzima ont su partager avec les autres peuples. Il s’agit notamment des danses SIDER et GROS LOT, danses rivales et complémentaires dont les monuments sont encore visibles à différents endroits du Quartier France. Ces danses initiées dans les années 1930 pendant le règne du chef HOIMIAN ont été vulgarisées chez d’autres peuples lors des déplacements successifs des Nzima pour diverses raisons (commerce, aventures, etc.).En plus, il y a  la Fanfare (ahuènin) que les Nzima ont introduit et propagé en Côte d’Ivoire  et  la danse royale appelée ADOA.

AUTEURS : M. NDAMOULE BINLIN

                      Dr. EKRA RICHARD

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